Les maçons et tailleurs de pierre de Samoëns : les Frahans
Frahans, c’est ainsi que se nommaient autrefois les maçons et tailleurs de pierre de la haute vallée du Giffre. Héritiers d’un savoir-faire et d’une tradition artisanale ancestrale, ces hommes ont émigré sur des chantiers tout d’abord autour de la Haute Savoie, puis peu à peu s’en sont allés de plus en plus loin en Europe.Autrefois, sur les hauts plateaux, la vie était rude et difficile.
Les hommes se nourrissaient difficilement du dur labeur de la terre. Il fallait trouver un revenu d’appoint, aussi, depuis la fin du moyen-âge, à la belle saison, les hommes quittaient leurs terres alors que les bêtes étaient à l’estive pour aller travailler à l’extérieur dans les chantiers des villes.
Dès la fin du XIV ème siècle, des groupes compacts quittaient les hautes vallées pour aller s’employer dans la construction.
Ces artisans rudes à la tâche avaient une constitution physique robuste ce qui leur permettait de manier des charges lourdes là où le travail était difficile. Les maçons et les tailleurs de pierre de Samoëns ont su imposer leur pierre et leur savoir-faire artisanal. En 1407, un document atteste que les Frahans ont emmené à Thonon la pierre en provenance de Sixt pour refaire des fours.

Jubile de l'an 2000 par Guillaume Bozonnet Tailleur de pierre
et Béatrice Sasonne-Bouvet Sculpteur
et Béatrice Sasonne-Bouvet Sculpteur
Ainsi, la qualité de la pierre (calcaire gris-blanc) et le savoir-faire des hommes permettaient aux jeunes de sortir de leur condition précaire. On a compté jusqu’à 900 hommes originaires de la vallée du Giffre qui effectuaient ces migrations saisonnières. La renommée de ces artisans maçons et l’excellence de leur travail ont fait que la zone d’influence et de migration s’est étendue avec le temps à travers toute l’Europe. La Franche-Comté, puis le Mont Dauphin près de Briançon, puis la Suisse, ont été les terrains privilégiés des Frahans. Voltaire, à Ferney, les employa beaucoup. Saint Quentin dans l'Aisne et le canal du Centre ont vu exceller ces tailleurs de pierre (canal inauguré en 1810 par l’empereur Napoléon Ier).
La fierté de ces travailleurs créa un esprit de corps et la Société des maçons vit le jour. Son objectif était l’instruction et la protection des travailleurs. L’école de dessin de Samoëns vit le jour pour former les jeunes de la vallée à toutes les techniques de la pierre.
Les maçons se déplaçaient avec leurs outils. La kégnire du Frahan (coffre du tailleur de pierre en mourmé, leur argot) contient un tétu, une boucharde, un peigne à chanvre, des broches. Les scies étaient démontées et emballées pour ne pas s’abimer dans les voyages.
L’école de dessin de Samoëns a fermé en 1951 mais la tradition perdure et le traditionnel Symposium de sculpture de Samoëns est organisé tous les deux ans pour évoquer des tailleurs de pierre de la vallée.

Oeuvre du sculpteur Marie Arnaud Tuller
"En s'extirpant de sa gangue de pierre brute, ce corps maternel et généreux rappelle que la femme ne doit compter que sur elle pour s'émanciper des contraintes que lui impose la société des hommes."

Œuvre de Nadine Boyer
"La silhouette trapue d'un tailleur de pierres dont la main active se confond dans la tête pensante. La volute d'un chapiteau ionique, ancienne tradition de l'Ecole de Dessin de Samoëns fait face à l'arobase moderne qui relie les hommes."

Œuvre de Roger Dunoyer
"Sa tête d'aigle patiemment polie s'échappe du rocher où il nidifie. L'oiseau du haut de son survol scrute le petit monde des humains."
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ce que je vois est vraiment agréable
Belles images